L'agriculture Verticale
La notion de « ferme verticale » ou d'agriculture verticale regroupe divers concepts fondés sur l'idée de cultiver des quantités significatives de produits alimentaires dans des tours, parois ou structures verticales, de manière à produire plus sur une faible emprise au sol, éventuellement en ville pour répondre à des besoins de proximité.
Certains projets sont des sortes de gratte-ciel consacrés à l'agriculture. La culture sur les toits des immeubles a pris de l'ampleur et on envisage un nouveau mode de production agricole dans des environnements urbains : l'agriculture verticale où les cultures ou les animaux seraient placés dans des gratte-ciels.
Elle a été théorisée à partir de 1999 par le microbiologiste américain Dickson Despommier, professeur de santé publique et environnementale à l’université Columbia de New York.
Le chercheur s’est basé sur les prévisions de l’ONU : en 2050, la planète comptera 3 milliards d’habitants en plus, et 80 % de la population mondiale vivra dans des villes.
Pour nourrir celle-ci, Despommier a calculé qu’avec les techniques agricoles actuelles, il faudrait 1 milliard d’hectares de cultures supplémentaires, soit environ la superficie du Canada.
Or, explique-t-il, 80 % des terres arables sont déjà exploitées, ce qui obligerait à raser des forêts pour les remplacer par des champs, avec des effets catastrophiques sur l’environnement et la biodiversité.
D’autant que l’expansion des villes réduirait la surface des sols cultivables.
C’est pourquoi l’ONU encourage le développement de l’agriculture urbaine. Une pratique qui s’est diffusée, depuis le début des années 2000, sous diverses formes : plantations sur les toits et terrasses, dans les friches industrielles, jardins partagés ou collectifs.
Mais selon Despommier, la superficie totale de ces parcelles ne sera jamais suffisante pour couvrir les futurs besoins alimentaires.
D’où son idée de superposer sur plusieurs étages des cultures et des élevages au cœur des .
ville En l’état actuel, les technologies nécessaires à la réalisation d’une ferme urbaine géante sont disponibles. En témoigne le pionnier en la matière :
The Plant, installé depuis 2010 dans une ancienne usine de Chicago de 24 000 mètres carrés.
Elle recrée sur ses trois étages un écosystème où les différentes productions fonctionnent en symbiose.
Par exemple, la fabrication de «kombucha», une boisson acidulée à base de thé, produit du CO2 qui nourrit les végétaux cultivés.
Ces derniers filtrent l’eau qui alimente un élevage de tilapias, dont les déjections servent en retour d’engrais aux plantes.
Les déchets de la ferme et ceux de son voisinage servent de compost, converti en gaz méthane puis en électricité.
Ses promoteurs affirment ainsi qu’à terme, The Plant devrait produire plus d’énergie qu’elle n’en utilise. Une quinzaine d’exploitations ont depuis été créées au États-Unis sur ce modèle.
Aucune analyse détaillée n’a encore été réalisée pour démontrer qu’elles seraient plus rentables que les cultures conventionnelles en raison des économies faites sur le transport des denrées et le non-usage de pesticides.
La solution consisterait en des bâtiments mixtes, qui hébergeraient à la fois des potagers, des logements et des bureaux.
Les promoteurs immobiliers bénéficieraient ainsi d’un meilleur retour sur investissements.
Dans une serre verticale, l’éclairage artificiel permet de multiplier par deux le taux de photosynthèse du CO2 par les plantes, et d’accélérer ainsi leur croissance.
L’exploitation produit donc bien plus de ce gaz à effet de serre qu’une ferme traditionnelle.
De même, les cultures hors sol nécessitent un changement régulier de la solution nutritive qui les irrigue.
Il est donc essentiel que le CO2 et les eaux usées soient recyclés pour éviter leurs rejets en pleine ville.
«Créer un écosystème artificiel en circuit fermé est très difficile, doute André Torre. Et assez contradictoire avec une approche écologiste.»
Selon les projets, les objectifs peuvent varier ; avec par exemple :
● Une solution possible aux problèmes de faim dans le monde, tout en créant des emplois locaux et en fournissant des produits frais à la population locale.
● Une solution pour répondre au manque de terres cultivables (car la ferme verticale est généralement imaginée comme étant construite dans un tissu urbain).
Cela pourrait réduire la déforestation, la désertification et d'autres conséquences de l'extension de l'agriculture intensive ou extensive sur des biomes de plus en plus dégradés, pollués et écologiquement fragmentés par cette agriculture et les routes qu'elle nécessite.
● Un moyen de recycler en boucle courte et locale certains déchets organiques solides ou liquides des produits fermentescibles, eaux usées...
● Un moyen de diminuer l'empreinte écologique d'un quartier en le rendant pour partie autarcique pour l'alimentation, et en diminuant les besoins en transports routier ou ferroviaire.
● Une contribution à l'amélioration de la qualité de l'air urbain (pompe à CO2, production d'oxygène natif par les plantes cultivées).
● Une diminution des contributions de l'agriculture aux changements climatiques (permis par de moindres émissions de carbone, voire par une absence totale d'utilisation de combustibles fossiles, dans les projets les plus poussés).
Les besoins en réfrigération pourraient aussi être fortement diminués par des boucles courtes.
Le labour, les modes lourds de plantation et de récolte par des machines dépendantes des combustibles fossiles seraient éliminés.
● une agriculture bio et de proximité ; Ces tours – selon leurs promoteurs – permettraient un meilleur contrôle de l'environnement des plantes, de réduire leur stress hydrique, d'offrir aux plantes ce dont elles ont besoin quand elles en ont besoin, en limitant donc fortement ou totalement les besoins en insecticides, herbicides et engrais chimiques. Les partisans de ces tours estiment que l'agriculture biologique verticale serait probablement le mode de production et de stratégie de marketing le plus pratique.
● Un moyen de diminuer les consommations d'eau par l'agriculture ; Selon leurs promoteurs, l'environnement contrôlé de ces tours permet de recycler des eaux urbaines et d'économiser et recycler l'eau utilisée dans les cultures, notamment en récupérant la vapeur produite par l'évapotranspiration des plantes.
● Un moyen de diminuer le risque sanitaire.
L'agriculture verticale étant pratiquée dans un environnement intérieur très contrôlé, ses promoteurs estiment qu'elle pourrait contribuer à diminuer l'incidence de nombreuses maladies infectieuses ou émergentes qui sont acquises à l'interface agriculture - environnement/eaux polluées).
Un moindre usage de pesticides devrait se traduire par une amélioration de la santé et de la santé reproductive, mais ceci reste une théorie à ce jour non expérimentée.
● un moyen de contribuer à protéger la biodiversité, voire de mettre un terme à l'extinction de masse. #Qu'est-ce qu'une ferme verticale, et quels sont ses avantages techniques ? Il s’agit d’un immeuble où des fruits et légumes sont cultivés à grande échelle selon des techniques similaires à celles employées pour les serres.
Les végétaux y poussent par hydroponie (hors sol), sur un substrat
– sable, billes d’argile, laine de roche, etc.
– irrigué au goutte à goutte par une solution composée d’eau distillée et de nutriments.
Selon Despommier, la part de ce mélange non absorbée par les plantes pourrait être recyclée, ce qui réduirait de 70 % leur consommation d’eau. Le chercheur souligne que ces serres géantes n’auraient pas besoin de pesticides, les cultures étant à l’abri des insectes et des bactéries, autant que des aléas climatiques.
Leur éclairage artificiel, qui renforce la lumière solaire, maintiendrait une température constante, accélérerait la pousse des plantes et assurerait des récoltes toute l’année.
Avec un rendement de quatre à six fois supérieur à celui de l’agriculture «terrestre». Plus largement, les partisans des fermes verticales affirment qu’elles supprimeraient les effets néfastes de l’expansion urbaine.
A savoir : l’augmentation de la distance entre les lieux de production et nos assiettes, et donc celle du coût du transport, des gaspillages et des risques sanitaires.
Inversement, les produits frais et bio des fermes gratte-ciel seraient vendus sur place, ce qui éviterait les émissions de gaz carbonique dues, actuellement, à leur acheminement et à leur réfrigération.
La multiplication de ces édifices permettrait de faire retourner de nombreuses terres cultivées à leur état naturel et de réduire la déforestation liée à leur extension.
Toujours d’après leurs défenseurs, les tours agricoles seraient un outil de développement durable grâce à l’utilisation d’énergies renouvelables (éoliennes, panneaux solaires) et le recyclage des eaux usées et des déchets, après méthanisation ou compostage.
Despommier estime ainsi qu’une seule ferme de trente étages pourrait alimenter 50 000 personnes.
Despommier estimait qu'en utilisant les technologies disponibles en 1999, une ferme verticale occupant la place d'un îlot urbain, et haute de 30 étages pourrait alimenter 10 000 personnes. Des fermes verticales d'au moins 200 mètres (pour 30 à 40 étages) sont techniquement plausibles.
Elles visent un rendement 4 à 5 fois supérieur au rendement moyen de l'agriculture actuelle. Des capteurs situés dans le plafond de chaque étage pourraient même recueillir l'évapotranspiration des plantes pour produire de l'eau pure.
Les sous-sols pourraient également servir au traitement des eaux usées en installant une unité de traitement des eaux, incluant éventuellement un dispositif de méthanisation (par exemple dans le sous-sol, source d'énergie, le CO2 étant ensuite réutilisé comme "engrais gazeux" pour les plantes.
L'agriculture verticales produit des fruits et légumes par culture hydroponique ou, ainsi que des champignons comestibles et des algues toute l'année. Certains projets intègrent des animaux et produits animaux (poulets et des œufs, poisson ou cochon).
Parce que des surfaces ou bassins de cultures empilés verticalement manqueraient de lumière naturelle équivalente à celle qui alimente une surface équivalente en milieu agricole rural, une tour agricole nécessiterait un apport important de lumière sous forme d'éclairage artificiel, ainsi que dans certains pays, du chauffage tout ou partie de l'année.
Des critiques estiment que les frais d'éclairage artificiel des cultures poussant dans les étages inférieurs seraient rédhibitoires pour un projet rentable.
En fait, certaines cultures sous serres (ex : tomates aux Pays-Bas) se pratiquent depuis plusieurs années déjà toute l'année, et sous un éclairage artificiel maintenu toute la nuit.
Les partisans d'une « agriculture verticale » doivent encore montrer que les coûts de production (incluant la production d'énergie à partir de sources renouvelables) pourraient être équilibrés par les économies faites sur les coûts de production et surtout de transport des filières agro-alimentaires existantes.
Despommier estime que des cultures hydroponique ou aéroponique bien conduites, associées à la production d'énergies renouvelables locales (éolienne et solaire) et au recyclage des matériaux de production (dont en particulier l'eau) permettraient une forte augmentation de productivité, mais il reste à démontrer que ce type d'agriculture ne favoriserait pas certains parasites ou certaines maladies des plantes.
Il estime que si la culture se faisait toute l'année, la productivité serait 5 à 6 fois plus élevée, et jusqu'à 30 fois pour certaines cultures (fraises par exemple).
« L’agriculture verticale a ses limites : une pomme de terre ne poussera jamais sans terre » Tootem peut aujourd’hui fournir des tomates et des fraises, en plus de quelques légumes à feuille : salade, choux, épinards, blettes… C’est déjà ça, mais on est encore loin de l’autonomie alimentaire totale. L’entreprise expérimente, travaille sur la sélection des graines, le réglage des nutriments et les cycles d’arrosage. S’il espère, à terme, diversifier sa gamme, Marc Cases est conscient que l’exhaustivité ne pourra venir de la seule hydroponie verticale.
« Seule la diversité amènera la résilience, reconnaît-il. L’objectif, à terme, est d’avoir une ville 100 % autonome, en complément avec d’autres modèles écologiques.
Malgré ces atouts, l’agriculture verticale a ses limites : une pomme de terre ne poussera jamais sans terre. »